Promenade au crépuscule

Un jour comme les autres. Ce n’était que l’un de ces jours qui se répétaient inlassablement. Une journée sans intérêt particulier, sans évènement spécial, juste un jour de plus à endurer et à errer dans les bas fonds de la ville, dans ces rues douteuses où l’ont ne faisait en général que de mauvaises rencontres.
On était en fin de journée et le soleil se couchait lentement, appelant les plus sages à rentrer à la maison pour vaquer aux occupations habituelles et entraînant les plus rebelles à errer et sortir tout la nuit. Kei lui, faisait partie de la deuxième catégorie, mais surtout par obligation. Depuis sa fuite du centre, il ne faisait que ça : errer. Il dormait où il pouvait et menait une véritable vie de punk. Avec le temps, il s’était fait quelques ennemis à éviter, pour simple raisin de survie et connaissait depuis maintenant 2 ans tous les coins où il n’était pas très bon de traîner une fois la nuit tombée.
Il restait cependant quelques coins de la ville qu’il ne connaissait pas parfaitement et il se laissait toujours convaincre par sa curiosité de les explorer. Après tout, il pourrait peut être un jour tomber sur le bon endroit, là où il n’aurait besoin de craindre ni les autorités, ni les êtres malveillants. Cet endroit dont il rêvait depuis longtemps, là où il n’aurait plus besoin de fuir. Ceci dit, son identité cachée, il pouvait aller là où bon lui semblait sans se faire repérer. Il lui suffisait de jouer l’humain.

Sa journée s’étant limitée comme souvent à une visite des ruelles qu’il ne connaissait pas encore, il se retrouva rapidement en terre inconnue, à savoir dans ce qui semblait être une zone industrielle encore ignorée à ce jour, du moins par lui.
Traversant donc les lieux, armé de méfiance, Kei avança avec prudence jusqu’à ce qui semblait être la plus grande usine du coin. Lugubre, elle l’était. Peut être que c’était cet aspect morne qui l’avait attiré ici. Depuis longtemps, les ténèbres l’attiraient, il n’aurait jamais su dire pourquoi mais c’était ainsi. Tant qu’il était seul et tranquille, même le plus effrayant des cimetière lui aurait parut confortable.

Avançant tout de même à pas de loup devant l’usine désaffectée, il concentra ses 5 sens pour repérer la moindre chose louche, trop habitué à se faire avoir dans ce genre d’endroits. Une fois devant l’une des portes métalliques, il l’observa longuement avant d’y porter une main et d’oser la pousser, doucement. Elle, lourde et grinçante, se laissa ouvrir à sa grande surprise.

Avant d’entrer, il s’était psychologiquement préparé à toute sorte de rencontre, comme il se faisait souvent. L’expérience lui avait apprit à ne pas se laisser prendre au dépourvu. Il savait s’adapter à toute situation et il avait en lui-même une grande confiance qui guidait chaque jour chacun de ses pas, chacune de ses actions. Il restait prudent tout en se concentrant pour qu’aucune émotion d’appréhension ne se concrétise sur son visage. De toute façon, ses yeux blancs et son regard dressé par la haine ne laissaient que rarement filtrer ses émotions. Tout ce qui était visible dans son regard était une froideur extrême, effrayant pour certains, neutre et sans intérêt aucun pour d’autres mais dans tous les cas, son regard n’inspirait jamais la sympathie et l’on finissait toujours par se méfier de lui. Tant mieux.

Un fin rayon éclaira légèrement la grande pièce qui apparu devant lui lorsqu’il ouvrit la porte. Il ne put prendre le temps de l’explorer du regard qu’une voix résonna. Il ne distingua d’abord pas bien la silhouette puis finit par apercevoir un corps à quelques mètres. Ne répondant rien, il analysa la situation. On lui demandait qui il était, mais on le considérait comme Obake d’office. Pourquoi ? Qui était cette personne pour se trouver seule dans un endroit pareil ? Il n’avait aucun moyen de deviner qui était Kei, et mis à part le hasard, rien de pouvait lui assurer qu’il était bien de cette race. A moins qu’il puisse les repérer, les sentir. N’ayant encore jamais fait face à qui que ce soit possédant cette capacité, Kei écarta cette idée et fixa la silhouette, essayant d’en faire ressortir les traits à travers la pénombre.

- Pardon ? Pour qui me prends-tu ?

Certes, cette réponse ne le menait pas bien loin. Mais il préférait de loin d’abord faire parler en premier les inconnus à qui il avait affaire afin de les analyser tranquillement, savoir quelle genre de personnes ils étaient. Il ne devait en aucun cas se dévoiler, il le savait. Mais il devait également avouer qu’il ne s’attendait pas à être reconnu si rapidement si bien qu’il continua son jeu, se faisant passer pour ce qu’il n’était pas. Comme souvent, ses mots étaient prononcés avec dédain, voir prétention. Il savait sa voix grave et comptait souvent dessus pour faire pression.

Ses mots prononcés, il s’avança doucement de quelques pas en direction de l’inconnu encore trop peu distinguable de là où il se trouvait. Son regard vide de toute émotion fixait droit devant lui, non pas par mesure d’intimidation mais plutôt par habitude. Attendant le prochain mot de son vis-à-vis, il porta négligemment une main au pansement de son coup, appuyant légèrement dessus sans s’en rendre compte. Rares étaient les blessures qui le marquaient vraiment et pour qu’il porte un bandage, la plaie se devait d’être assez profonde. Il ne savait plus vraiment à quoi il devait celle-ci, un peu trop souvent impliqué dans les bagarres ces derniers temps.

Inutile d’avoir un QI surélevé pour deviner qu’il ne valait mieux pas se frotter de trop près à cet homme là. Il était clair et net qu’il pouvait sentir sans problème la race de ceux qu’il rencontrait et Kei, étant de ceux dont la véritable identité était une faiblesse, préféra opter pour la méfiance plutôt que de trop provoquer l’inconnu.

Fixant toujours le peu qu’il apercevait nettement de l’homme face à lui, Kei mis un certain temps à réaliser qu’il n’y était plus. Oui, disparu, évaporé. Rapidement, il se retourna sur le bruit de claquement de la porte par laquelle il venait d’entrer. Il n’avait pas sursauté, aucune stupeur n’était visible sur son visage. Seule l’évaporation ou plutôt la téléportation subite de l’homme l’avait surpris. Est-ce qu’il était très rapide où possédait-il un pouvoir spécial lui permettant de se déplacer d’un endroit à un autre ? Peu importe, ce dont Kei était sur était que celui-là n’était certainement pas humain. Non seulement il pouvait reconnaître la race de ceux qu’il voyait mais il en plus il était anormalement rapide.

Se retrouvant soudainement dans une pénombre un peu plus opaque, il fallut quelques instants à Kei pour que son regard s’habitue au manque de lumière et parvienne à percer l’obscurité. Les mots de l’inconnu qui s’en suivirent confirmèrent les hypothèses de Kei. L’homme se présentait comme le « propriétaire » des lieux, à savoir le domaine des rebelles. Mais quels rebelles ? Ainsi les rumeurs étaient bel et bien fondées, il existait dans un coin reculé de la ville un clan de rebelles. Sentant la curiosité le gagner, le visiteur pris quelques instants pour réfléchir.

Cet homme semblait fort, sans aucun doute plus que lui. La bonne nouvelle étant qu’il informa de lui-même qu’il ne cherchait en aucun cas à se battre, Kei songea alors à en savoir plus sur ces lieux, sur cet inconnu. Se présenter, paraître docile.

- Je m’appelle Kei... et je suis arrivé ici par pur hasard, je visitais seulement les alentours.

Simple et efficace. Il ne voulait pas trop en dire, rester prudent. Il l’avait appris depuis bien longtemps, la seule personne sur laquelle il devait compter était lui et lui-même.